Momoko tendit la main en coupelle, levant la tête vers le ciel qui s'était si vite ombragé. De fines gouttes de pluies lui tombèrent sur les joues. Les nuages qui grossisaient à vue d'oeil laissaient présager que l'averse allait durer... et s'intensifier. Si la voute celeste était peinte d'un agréable bleu -ciel justement- il y a quelques secondes, elle s'était maintenant teinte d'une couleur acier froide et dure, qui rappellait la brillance morbide d'un revolver. Momo frisonna en sentant le contact contre sa cuisse de la crosse du sien, caché comme un couteau de chasse dans sa botte.
En soupirant, la jeune femme remonta le col de son blazer. C'était la combientième fois cette semaine? Elle allait encore finir trempée... et avec sa veine habituelle avec une bonne crève. Machinalement, elle tapota sa poche-revolver située sur son flanc. Son précieux carnet était au sec, c'était ce qui est était le plus important. Le nez plein, un bon gros mal de tête, de gorge, passait encore... Mais sa "bouche" illisible, et de ce fait inutilisable, jamais. Elle ne voulait pas être doublement muette.
La crève n'était pas loin... pas loin du tout. Avec pour seuls vêtements un débardeur encre, un vieux jean stoned déchiquetté aux genoux, des cuissardes en vieux cuir élimé et une veste en cuir, elle n'allait pas aller bien loin. Les mains enfoncées dans ses poches en quête d'un peu de chaleur, le cou rentré dans son col déjà détrempé, Momoko tituba entre les flaques d'eaux jusqu'à atteindre le couvert d'un arbre. En soupirant elle observa les alentours. Un goutte lui tomba dans l'oeil, elle soupira de plus belle en le fermant. Son oeil disponible avisa la route remplie de gamines de son âge en uniforme.
Nouveau soupir.
Parfois elle regrettait d'être née Momoko... Pourquoi papa et maman ne l'attendait-elle pas à la maison tandis qu'elle rentrait des cours avec Sachiko en rêvassant d'Akira? Elle rigolerait de ses cheveux trempés, plaqués à ses tempes et ses loose-socks pèseraient des tonnes à cause de la pluie. Elle éternuerait, éternuerait, se servirait de son cartable comme d'un parapluie et se mettrait à courrir, manquant de déraper à chaque flaque d'eau. Elle trouverait un bon chocolat chaud sur la table, embrasserait sa mère, son père, se jetterait dans un bon bain brulant en soupirant et enverrait des e-mails à ses amies, discutant de la dernière chanson de telle idol ou se moquant de la permanente de la prof d'histoire.
Soupir triste.
Momoko se remit à marcher.
Au niveau de l'entrée du lycée, elle aperçu à deux, trois mètres d'elle une autre gamine, démunie d'uniforme. Momoko ne put s'empêcher de la fixer. Elle tapait effectivement dans l'oeil, avec son minoie enfantin mais ses manières d'adulte. Enfin... Pas totalement adulte. Elle tirait plus de l'adolescente mature que de la dadame. La jeune femme se questionnait. Eleve ou professeur...? Un sourire doux s'inscrit sur ses lèvres alors qu'elle se faisait bousculer et regarder de travers par la foule d'élève qui se déversait des portes. Elle tranchait, c'était vrai. On aurait même pu dire qu'elle n'avait pas l'air de quelqu'un de vraiment fréquentable, avec ses cheveux ebourriffés, ses cernes dans lesquelles elle aurait pu se prendre les pieds et ses joues amaigries.
Son ventre grogna. Elle avait faim...